Ce monde qui ne tourne pas bien du tout

Combien de temps les grandes négociations européennes en cours vont-elles durer et quel en sera l’épilogue ? Le Parlement européen fait sa mauvaise tête pour adopter le budget pluriannuel de l’Union et les pourparlers à propos du plan destiné à succéder aux accords de Dublin piétinent.

Le Parlement a interrompu les négociations avec les États membres, risquant de retarder l’adoption du plan de relance de 750 milliards d’euros qui est lié à ce budget de 1.074 milliards d’euros. Une proposition de compromis allemande a été rejetée, le Parlement réclamant un accroissement plus important de 15 programmes phare et rencontrant la ferme opposition à ce propos des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de l’Autriche et de la Finlande.

Un deuxième sujet de discorde persistant subsiste à propos des mesures de rétorsion qui pourraient être appliquées en cas de non-respect de l’État de droit. Les États membres se sont mis majoritairement d’accord sur un vague dispositif laissant pratiquement la porte ouverte à l’inaction, mais le Parlement ne l’entend pas de cette oreille, la majorité des députés réclamant un mécanisme plus dur en visant la Pologne et la Hongrie.

De son côté, le nouveau pacte sur la migration et l’asile augure comme prévu de longues et difficiles négociations. Les ministres de l’Intérieur des 27 ont effectué hier un tour de chauffe par visioconférence, confirmant le caractère problématique du souhait de la présidence allemande de l’Union de voir adopté un accord de principe a minima sur ses points clés d’ici la fin de l’année.

Le démantèlement progressif de l’Europe se poursuit, les antagonismes s’exacerbant. Après avoir connu un important élargissement, l’Union est-elle condamnée à la multiplication des coopérations rapprochées, ces succédanés qui ne concernent qu’un nombre réduit de pays, ou pire à son recentrage excluant certains d’entre eux à la faveur d’une grande crise ? Le grand savoir-faire en matière de compromis accumulé au sein des institutions européennes a ses limites, même si des sursauts sont toujours possibles au bord du gouffre.

Les nouvelles en provenance des États-Unis ne sont pas faites pour rassurer sur l’évolution du contexte international. En déclarant publiquement craindre « certaines perturbations » en cas de résultat électoral serré, le Premier ministre canadien Justin Trudeau exprime tout haut ce que chacun pense tout bas. Le plan de Donald Trump consiste à semer la confusion par tous les moyens, avec en sous-main le soutien présumé des hackers russes, pour en appeler à la Cour Suprême in fine. Le jeu va être très serré. La fin de la démocratie américaine est crainte, mais il ne s’agit pas seulement de cela. La nature de ce qui pourrait lui succéder est en question.

La lecture d’un récent et magistral ouvrage intitulé « Putin’s people » (*) d’une ancienne correspondante du Financial Times à Moscou, Catherine Belton, éclaire la nature du régime russe. Son sous-titre est éloquent « comment le KGB s’est emparé de la Russie pour défier l’Ouest » (ma traduction), notamment le chapitre consacré au soutien financier prolongé qu’il a apporté à Donald Trump.

Dans ce nouveau monde en gestation, l’affrontement l’emporte sur la coopération, l’Union européenne n’y coupe pas.


(*) Putin’s people par Catherine Belton, 624 pages, William Collins ed. (en anglais).

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